Du puzzle à la fusion

Les répétitions de Romeo & Julia avancent à grands pas, la date de la première est en vue. La stagiaire en dramaturgie Roos Euwe suit le processus de travail et nous en donne un aperçu. Voici son rapport.

Il y a quinze jours, vous pouviez voir et lire ici comment Mokhallad Rasem réunissait les pièces du puzzle de son Romeo & Julia. Des pans entiers de la pièce de Shakespeare, des extraits de poèmes datant du Moyen Âge ou de notre époque et des textes de chansons étaient réunis ; le tableau d’affichage était rempli de petits dessins, notes et des titres des différentes scènes du spectacle. Entre-temps, les papiers de la première semaine de répétitions – pleins de ratures, de dessins et de textes en arabe, anglais et néerlandais – ont été remplacés par d’autres. L’écriture est plus nette, les notes sont classées dans le bon ordre. Maintenant que tous les fragments sont en place, le décor, la lumière et la musique prennent lentement leur place dans l’ensemble du puzzle.

Plus de trois semaines avant la première, dans l’atelier, on travaille encore dur aux décors conçus par Jean Bernard Koeman. De temps à autre, des photos des films et des dessins sont acheminés de l’atelier vers le grenier de répétitions, et nous essayons de nous imaginer de quoi le décor aura bientôt l’air. Bien que l’auto en bois avec laquelle nous répétons pour l’instant soit très belle, tout le monde attend avec impatience celle qui va arriver dans deux semaines dans le grenier.

Jean Bernard, artiste plasticien de son état, s’est inspiré d’une photo que Mokhallad a prise l’an dernier au cours d’un séjour à Bagdad. À l’arrière-plan se dresse la maison de ses parents, à l’avant une voiture incendiée et rouillée. Il s’agit de la voiture des voisins, un couple de toute éternité, à qui une bombe placée sous leur auto a coûté la vie. Mokhallad a tout de suite compris que la voiture jouerait un rôle central dans le spectacle. Et pas seulement en tant que voiture, mais en tant qu’installation qui peut se transformer de véhicule métallique en chambre à coucher douillette, conduire vers des aventures insolites ou vers un havre de paix. C’est l’endroit d’où viennent les différents Roméo et Juliette, où ils retournent à chaque fois, et qui les sauvegarde en tant que couple. « Pour moi, Romeo & Julia traite de l’immortalité, raconte Mokhallad. De l’amour qui revient en tant que matériel génétique à chaque naissance. C’est aussi ce qui revient dans le décor. La voiture que j’ai photographiée à Bagdad fonctionne comme le matériel génétique dans le décor. Ce véhicule génétique est aussi un corps, avec des membres différents qui ont chacun leur propre fonction, un ventre dont sortent de nouvelles personnes, un cerveau avec des souvenirs, une histoire personnelle. Il vieillit, se rouille et se transforme. »

Outre le décor, les positions et les couleurs de la lumière offrent des possibilités d’enrichir la teneur des scènes déjà répétées. Ainsi, créer une atmosphère intime ou au contraire hostile, permet de changer encore bien des choses au spectacle. Le régisseur lumière Lucas van Haesbroeck dessine dans son bloc-notes le plan lumière, qui est prêt en grandes lignes et sera bientôt affiché en bas, au Bourla. La musique, à sa manière, ajoute elle aussi une nouvelle couche de signification aux scènes. Il y a quelques semaines, par exemple, on cherchait encore un texte qui devait parler de l’angoisse de perdre un être cher. Après un week-end de recherches et de réflexions, Mokhallad est arrivé avec une chose qui semble avoir été créée pour ce spectacle. « Parfois, nous n’arrivons pas à exprimer l’amour que nous ressentons en mots, explique Mokhallad. Le trouble, le chagrin, le désir ; les danseurs peuvent l’exprimer par leur corps. Je veux faire se fondre la poésie des mots et la poésie physique sur la scène. »

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