le tigre mange le zèbre et l'oiseau s'énvole, effrayé
Benjamin Verdonck, présentation de la saison
nous vivons à une époque où l’être humain
exerce une influence déterminante sur
l’atmosphère, la lithosphère, la biosphère, la cryosphère, les océans, etc.
ce n’est pas pour rien que nous appelons cela l’anthropocène
l’époque où l’être humain sert de mesure et de pivot de toute chose
en même temps, nous prenons petit à petit conscience
que nous, les animaux et les choses
faisons partie d’un système hypercomplexe et vulnérable
qui une fois mis en déséquilibre complique considérablement
notre survie ici sur terre, voire la rend impossible
nous savons aussi
même si c’est difficile à concevoir
qu’en tant que telle, cette survie
n’a quasi aucune importance
dans un univers
qui selon toute vraisemblance
sera en expansion pendant quelques milliards d’années encore
comment donner une place aux êtres humains, aux animaux et aux choses qui m’entourent
comment leur offrir le droit d’exister, le droit à la parole
comment leur témoigner du respect
et comment situer cette relation dans un plus vaste ensemble
pour le tirer au clair
j’envisage
de créer un grand planétarium avec du ruban adhésif, du fil de fer et du carton
dans lequel, outre des étoiles et des planètes
fileront aussi quelques objets et animaux
et qui sait, peut-être brièvement un vrai être humain
car autrefois on pouvait sans trop d’effort
distinguer les actions de l’être humain
du reste
comme on peut oublier
le bâtiment et les coulisses dans un théâtre,
pour se concentrer sur l’intrigue
mais aujourd’hui, le décor, les coulisses,
l’arrière-scène, les cintres, tout le bâtiment
sont montés sur scène et dénient
son rôle à l’acteur principal
lentement on se rend compte
qu’on ne peut pas continuer de la sorte,
mais comment alors
car dans les limites de notre système actuel
prendre un autre chemin signifie
invariablement
reculer
et nous ne recueillerons pas beaucoup d’enthousiasme
avec la perspective d’une régression
peut-être
ne faut-il plus penser au progrès,
mais à quelque chose comme le bonheur
être ou ne pas être
telle est la question
est-il plus noble de souffrir de tout ce que nous inflige le destin cruel
ou de prendre les armes contre un océan de soucis
et d’y mettre fin en se battant
une grande boîte magique
avec à l’intérieur
une danse d’ouverture
un être humain un animal une chose
côte à côte
un animal une chose
une chose un être humain un animal
côte à côte
une dernière valse
une chambre, encore une chambre
un tunnel, une échappée, un trou
une porte
une porte aussi bien sûr
des volets qui s’ouvrent et se ferment,
des couleurs qui passent
des taches qui disparaissent
et des cordelettes, toujours des cordelettes
devenir une forme, une ligne, un point, une couleur
devenir changement
hésiter, démonter, recommencer
devenir plus petit
toujours plus petit
tout devenir
le spectacle s’intitule
le tigre mange le zèbre et l’oiseau s’envole, effrayé
le spectacle est une chanson triste
sur l’être humain à côté des choses à côté des animaux
et tout ce qu’il y a autour
même si tout cela laisse la lune et la grande ourse
(qui participent aussi)
passablement indifférentes