Lisaboa Houbrechts (°1992) est autrice et metteuse en scène d’œuvres théâtrales qui se situent à la croisée des arts plastiques, de l’opéra, du théâtre musical et du théâtre de texte, au profil résolument international. Elle a achevé ses études, avec la plus grande distinction, au Conservatoire KASK Drama, à Gand, en 2016. Quatre ans plus tôt, elle avait déjà fondé sa propre compagnie, Kuiperskaai, avec Victor Lauwers, Romy Louise Lauwers et Oscar van der Put. Les spectacles The Goldberg Chronicles (2014) en The Winter’s Tale (2016), réalisés avec ce collectif, lui ont valu une entrée ambitieuse dans le paysage théâtral. Dès le début, son travail s’est caractérisé par une distribution abondante, une interaction fantasque entre l’image et le texte, et une transversalité intelligente entre différentes disciplines : performance, musique, chorégraphie, littérature et arts plastiques.
Son aspiration au grand geste n’est pas passée inaperçue. En 2017, Guy Cassiers l’a invitée à participer au projet P.U.L.S. (Project for Upcoming Talent for the Large Stage) qu’il a mis sur pied à la Toneelhuis. Au cours de ce trajet, elle a travaillé avec Alain Platel, Ivo Van Hove et Jan Lauwers. En 2018, elle a monté une adaptation âpre et originale de Hamlet dans laquelle elle ouvrait de nouvelles perspectives en mettant l’accent sur la relation destructrice entre Hamlet et sa mère, la reine Gertrude. En démontrant l’innocence de Gertrude, Houbrechts l’a placée au cœur du répertoire. À l’âge de 27 ans et avec le regard qu’elle porte sur l’œuvre de Shakespeare, Lisaboa Houbrechts effectue une entrée remarquée et triomphante dans le cercle restreint des personnages qui comptent sur la scène théâtrale européenne.
En 2019, elle a créé le spectacle musical étourdissant Bruegel, un portrait kaléidoscopique du peintre du XVIe siècle Pieter Bruegel l’Ancien et de l’époque à laquelle il a peint Margot la Folle : la femme injuriée, traitée « d’hommasse » parce qu’elle pille des objets pour l’enfer. Et si elle ne les dérobait pas, mais essayait au contraire de les sauver ? Houbrechts veut poser un nouveau regard sur des récits historiques qui sont invariablement manipulés, effacés, oubliés ou réduits à un événement univoque. De même que ses autres productions, Bruegel est baroque et impertinent, mais aussi ludique et désarmant. Dans Bruegel, Houbrechts joue, à l’instar de son Hamlet, avec le point de vue féminin, bien qu’il ne s’agisse pas d’un spectacle sur le féminisme ni sur le droit des femmes. Toute l’œuvre de Houbrechts est une réfutation de la pensée binaire sous toutes ses formes et un plaidoyer pour davantage de flexibilité et de fluidité. Ainsi, son esthétique fluide force le public à un grand écart mental.
La musique est un élément constant dans l’œuvre de Houbrechts. Avec I Silenti (Théâtre de Namur, 2021), elle approfondit l’intérêt qu’elle porte à la musique interprétée en direct sur scène. Avec le compositeur Fabrizio Cassol, elle se penche sur le génocide peu connu des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale qu’elle met en lien avec les Madrigaux guerriers et amoureux de Monteverdi.
En 2023, avec laGeste, la fusion entre les Ballets C de la B et Kabinet K, Lisaboa Houbrechts crée le poignant Vake Poes ; of hoe God verdween [Pépé Chat ou comment Dieu a disparu],un texte de sa main, dans lequel elle explore les limites du divin – avec la musique de Bach comme fil conducteur – et dévoile un sombre traumatisme. Son récit s’étend sur trois générations ; elle se retourne sur l’époque de ses grands-parents, de ses parents et de sa propre génération. Avec une distribution intergénérationnelle, composée d’enfants, de chanteur·euses, de danseur·euses et d’acteur·rices adultes, elle part en quête de la manière dont s’imbriquent la petite et la grande histoire, l’intime et le monumental, le personnel et le politique et le passé et le présent. Dans cette épopée familiale, chaos baroque et théâtralité intense vont de pair avec quiétude et spiritualité indéterminée. Houbrechts a le don de marier la sensation d’une tragédie grecque à une histoire très personnelle et contemporaine. Vake Poes; of hoe God verdween a été selectionné pour Het Theaterfestival 2023.
Au printemps 2023, elle a dirigé Médée à la célèbre Comédie-Française à Paris. à Paris, où elle était la plus jeune metteuse en scène à se voir attribuer cet honneur.
Au printemps 2024, au Dramaten à Stockholm, elle a mis en scène Yerma, le drame intemporel de Federico Garcìa Lorca à propos d’infertilité et de vengeance. Elle a enchaîné avec la mise en scène de l’opéra Orfeo ed Euridice de Gluck au Staatoper de Hanovre.
Au cours de la saison 2024-2025, Lisaboa Houbrechts s’aventure, à la Toneelhuis et au KVS, à la mise en scène de Mère Courage d’après Bertolt Brecht. À nouveau une histoire iconique sur une femme énigmatique, autour de laquelle elle lance une nouvelle dramaturgie.
Lisaboa Houbrechts bénéficie du soutien du KVS et de la Toneelhuis. Depuis 2022, elle assure la codirection artistique de la Toneelhuis avec Gorges Ocloo, FC Bergman, Benjamin Abel Meirhaeghe et Olympique Dramatique.