Avec Caligula, Guy Cassiers poursuit son exploration de la figure du pouvoir et de ses détenteurs. Albert Camus (1913-1960) a achevé sa tragédie sur le plus cruel des empereurs romains juste avant la Seconde Guerre mondiale, mais elle n’a été portée à la scène qu’après la fin du conflit. La pièce est considérée à juste titre, en partie à cause de la guerre et de ses horreurs, comme un réquisitoire contre la dictature et l’abus de pouvoir.

Mais Caligula de Camus est aussi un drame autour de l’insoutenable affrontement existentiel de la mort. Caligula ne parvient pas à faire le deuil de sa sœur et maîtresse Drusilla. La conscience de la finitude de l’existence le plonge dans une solitude et un désespoir absolus. Il refuse l‘absurdité de la vie et la relativité de tout bonheur.

Il amorce une quête d’absolu qui s’exprime par son désir de posséder la lune. Son entourage, ses amis, les sénateurs sont des « relativistes » au sens propre du terme : ils vivent et survivent, plus ou moins heureux, avec leurs illusions, leurs mensonges et leurs compromissions. Caligula veut démasquer ces mensonges et contraindre tout le monde à faire face à la vérité nue : l’abîme de la liberté absolue au-delà du bien et du mal. C’est ce qui le pousse à faire régner une terreur effrayante et à exercer un pouvoir totalement arbitraire. Il joue avec la vie et la mort de son entourage, parce qu’il en a la possibilité et le pouvoir. 

Des scènes d’abus de pouvoir sans précédent et de brutalité humiliante alternent avec des dialogues philosophiques intimes dans lesquels Caligula tente de percer le sens de la vie.