Dans De moed om te doden (La force de tuer) Guy Cassiers recadre la problématique du pouvoir et de la manipulation – qu’il a surtout abordée au cours de la décennie passée sous l’angle de sa dimension politique et européenne – dans sa scène primitive : la famille et la tension entre parent et enfant, ici le père et le fils.
De moed om te doden se rapproche de productions telles que Natuurgetrouw, un spectacle basé sur The Birthday Party d’Harold Pinter que Guy Cassiers a joué avec son père Jef Cassiers, ou Rotjoch de Gerardjan Rijnders ou encore De Wespenfabriek, adaptée du roman The Wasp Factory de Iain Banks. Dans ces spectacles, la confrontation entre parent et enfant engendre des explosions de violence physique et verbale, mais fait aussi éclater la vérité et naître la compréhension.
Le cadre de De moed om te doden ne pourrait être plus simple : un appartement, dans lequel vivent un père et son fils (et plus tard dans la pièce, Radka, la petite amie du fils). Les personnages des pièces de Lars Norén sont marqués par ce qu’on appelle la « double contrainte » de leur passé et de leur origine. Ils veulent échapper à leur environnement asphyxiant, mais appréhendent aussi de vivre en dehors de lui. Ils inventent des stratégies de protection et de survie jusqu’au moment où elles n’offrent plus d’échappatoire.
Ce concept du changement est essentiel pour comprendre l’œuvre de Norén. Au sujet de De moed om te doden, il a écrit : « Pour moi la démarche d’un artiste est essentiellement une manière d’apprendre à acquérir tant de connaissance de soi-même, de sa vie, qu’il faut bien la changer. Dans mes poèmes, je pouvais éviter la confrontation directe. Mais je ne le voulais plus. La première pièce que j’ai écrite, Dépression, a été jouée en audiodrame. Et tout de suite après est venue La Force de tuer. (…) Je crois que les forces qui ont à l’œuvre en nous, nos désirs, nos angoisses, notre courage, le père, la mère, je crois que ces forces sont extrêmement puissantes. Et c’est parce que nous les dénions qu’elles sont dotées de ce pouvoir. »
Dans le huis clos de l’appartement se déroule un rituel tragique au cours duquel le fils essaie de se libérer du père pour pouvoir survivre. Norén parvient comme peu d’autres à mettre à nu les mécanismes langagiers d’agression et de défense auxquels les personnages font appel, tant l’un envers l’autre qu’envers eux-mêmes. Les dialogues sont bourrus et acides, mais ne sont pas dénués d’un humour (noir) qui allège l’atmosphère étouffante de l’histoire. Quand le père essaie de séduire la petite amie du fils, il est clair que la confrontation se dirige droit vers le point de non-retour…
mise en scène
- Guy Cassiers
auteur
- Bart Van Nuffelen
texte
- Lars Norén
traduction
- Karst Woudstra
avec
- Aminata Demba
- Dirk Van Dijck
- Wouter Hendrickx
production
- Toneelhuis