« Joël Pommerat, 50 ans, est sans nul doute le plus emblématique des auteurs-metteurs en scène du théâtre contemporain en France », écrit le journaliste culturel Guy Duplat. « L’originalité de ses mises en scène, ses éclairages contrastés entre noir et blanc, ombre et lumière, clarté et mystère, ainsi que la singularité de ses textes “écrits sur scène” ont petit à petit imposé son nom dans un paysage théâtral français jusque-là peu ouvert à ce type de théâtre. Il porte son attention de manière poétique et politique, sur des thèmes actuels peu abordés au théâtre comme les relations dans l’entreprise, ou donne ses propres versions de contes pour enfants. Invité régulier du festival D’Avignon, Pommerat est artiste associé au théâtre de l’Odéon. »
La saison passée, vous avez pu découvrir son adaptation intrigante de Cendrillon. Cette saison, à la Toneelhuis, il présente Les Marchands : « C’est un spectacle d’une beauté époustouflante… Interrogations sur la manière dont le travail remplit ou non nos existences, ces Marchands riches en audaces formelles, où les mots, les corps, les lumières, les objets et les sons se répondent, sont portés par un groupe d’acteurs à la présence sidérante... », écrit le quotidien Le Monde.
C’est une femme qui raconte. Son travail à l’usine d’armement, qu’elle aime et qui structure sa vie. Son angoisse face à l’annonce de la fermeture imminente de l’usine, face à la guerre qui, peut-être, est à nos portes. C’est une femme qui raconte son amie qui, elle, n’a jamais pu se faire engager à l’usine : sans travail, endettée, elle vit perdue au milieu de ses morts, qui apparaissent parfois inopinément, dans son grand appartement. C’est une femme qui raconte, en voix off, sans que jamais les acteurs qui illustrent le propos ne prononcent un mot sur le plateau.
Ce n’est que le premier d’un des nombreux partis pris de radicalité de ce spectacle qui acheva de révéler Joël Pommerat au grand public. Avec son alternance noir/lumière qui révèle à chaque fois un nouveau tableau, avec ses éclairages d’une terrible beauté, avec ses gestes et mots sans cesse répétés, avec la force tranquille de ses comédiens, avec ses intermèdes musicaux complètement décalés, Les Marchands illustre la dualité du théâtre de Pommerat, qui est tout à la fois totalement dépouillé et extrêmement sophistiqué. Et, comme d’habitude avec Pommerat, la froideur n’est que de façade : l’humour et l’humanité rôdent au détour de chaque réplique. Mais la grande force de ces Marchands, c’est ce propos d’une rare lucidité sur la façon dont le travail, ou son absence, construit et détricote nos vies. Sur la façon dont nous nous retrouvons chacun marchand de notre temps, de notre vie.
de
- Joël Pommerat
production
- Compagnie Louis Brouillard
- Odeon-Theatre de L'Europe
- Théâtre National Wallonie - Bruxelles