La maison royale et les autorités ecclésiastiques en émoi à cause de la sensualité débordante et du flirt décadent avec la mort ; une rivalité artistique entre un architecte flamboyant (Victor Horta) et un sculpteur de modeste origine (Jef Lambeaux), un maquignonnage politique entre la vieille garde catholique belge et les cheiks saoudiens… Voilà quelques-uns des ingrédients de la vie de l’œuvre d’art Les passions humaines, un bas-relief du sculpteur Jef Lambeaux (1852-1908).
Guy Cassiers en fait le personnage principal d’un docudrame belge avec une distribution bilingue, sur un texte d’Erwin Mortier.
Dans sa mise en scène de l’Anneau du Nibelung de Wagner, Guy Cassiers faisait se terminer le cycle par une reproduction à la taille de la scène de l’œuvre Les passions humaines du sculpteur Jef Lambeaux – le « Rodin belge » (1852-1908). Cette sculpture joue le rôle central dans le spectacle Passions humaines, dont Erwin Mortier signe le texte.
Le bas-relief de Lambeaux est officiellement inauguré en 1898. C’est un groupe statuaire monumental en marbre blanc de Carrare, dont le thème traite des plaisirs et des malheurs de l’humanité sous l’œil inquisiteur de la Mort. Chaque figure de l’ensemble impétueux est irradiée de la passion que Lambeaux porte au corps humain, dans toute la sensualité de sa féminité ou de sa virilité, et tout particulièrement au mouvement.
Dès la présentation du projet, en 1889, l’œuvre avait suscité la controverse entre les libéraux enthousiastes d’une part, et les catholiques outragés par son caractère jugé blasphématoire et pornographique de l’autre. La polémique s’envenime encore lorsque le roi Léopold II charge officiellement l’artiste, en 1890, d’exécuter la sculpture en marbre. Le conflit se ramifie encore dans la discussion artistique qui oppose Lambeaux, le sculpteur alors au sommet de sa gloire, au jeune architecte Victor Horta, que l’on a chargé de bâtir un pavillon autour de l’œuvre, dans le Parc du Cinquantenaire.
Même après la mort de Lambeaux, la sculpture continue à bouleverser les esprits. En 1967, le roi saoudien Fayçal se rend en Belgique, entre autres pour acheter des armes à la Fabrique Nationale de Herstal. Le roi Baudouin donne aux Saoudiens (en échange ?) un bail de 99 ans portant sur l’angle nord-ouest du Parc du Cinquantenaire. C’est là que se trouve le pavillon oriental bâti à la fin du XIXe siècle pour l’Exposition universelle de 1897. C’est près de lui que se dresse l’édifice Lambeaux-Horta. Le grand pavillon deviendra plus tard la Grande Mosquée de Belgique. Jusqu’il y a quelques mois, l’édifice de Horta et le bas-relief de Lambeaux étaient tous deux en piteux état et d’ailleurs, quasiment inaccessibles.
Ce qui revient à dire que l’une des œuvres d’art les plus discutées de l’histoire belge… n’a presque jamais été vue !
L’écrivain Erwin Mortier se penche sur cette histoire ô combien belge et brosse une large fresque, un panorama de drames humains, d’oppositions sociales et de combats idéologiques sur la controverse autour de la sculpture. Il entoure la figure de Jef Lambeaux d’une collection de personnages hauts en couleur qui incarnent l’esprit du temps, les normes et les valeurs de cette fin du XIXe siècle marquée par l’hypocrisie régnante : Léopold, roi des Belges et souverain de fait de l’État indépendant du Congo, sa maîtresse et plus tard épouse Blanche Delacroix ; le jeune architecte Victor Horta ; le critique d’art Sander Pierron qui entretenait une relation secrète avec l’écrivain Georges Eekhoud ; Cornélie Van Camp et Adèle Deforge, les épouses respectives d’Eekhoud et Pierron. Leurs confrontations passionnelles sont aussi intenses que celles qui sont représentées et suscitées par Les Passions humaines de Jef Lambeaux.
Avec sa distribution bilingue, Passions humaines est à tout point de vue une véritable histoire belge.
mise en scène
- Guy Cassiers
dramaturgie
- Erwin Jans
texte
- Erwin Mortier
traduction
- Marie Hooghe
avec
- Muriel Legrand
- Serge Larivière
- Vincent Hennebicq
- Thierry Hellin
- Candy Saulnier
- Claire Bodson
- Tom Dewispelaere
- Marc Van Eeghem
- Kevin Janssens
- Katelijne Damen
- Jorre Vandenbussche
conception lumière
- Stef Alleweireldt
conception vidéo
- Kurt D'Haeseleer
conception son
- Muriel Legrand
- Diederik De Cock
recherches
- Carine Cuypers
costumes et décor
- Tim Van Steenbergen
production
- Toneelhuis
coproduction
- Fondation Mons 2015
- Le Manège Mons
- Théâtre National Wallonie - Bruxelles
avec le soutien de
- Stad Antwerpen