La pièce se déroule dans la maison de la famille Höller. Rudolf Höller, ancien commandant de camp et président respecté du tribunal depuis de nombreuses années, est sur le point de prendre sa retraite. On est le 7 octobre, jour d’anniversaire de Heinrich Himmler, ancien chef des SS. Pour Rudolf et sa sœur Vera, il s’agit d’un jour de fête. Clara, leur jeune sœur en fauteuil roulant, se tient à l’écart de cette célébration. Accablée par le poids du passé, elle observe d’un mauvais œil la façon dont sa famille embrasse les atrocités.

Dans la maison claustrophobe et incestueuse des Höller se joue un véritable jeu de pouvoir. Une fête qui s’articule autour de la culpabilité, du ressentiment, du déni, de la décadence morale et de liens familiaux qui ne peuvent jamais être rompus.

Avant la retraite évoque l’impuissance et l’hypocrisie de l’Allemagne d’après-guerre face à son passé nazi et à son silence sur sa culpabilité de guerre. À travers l’inquiétante rhétorique d’extrême droite de ses personnages figés dans le temps, Bernhard exprime le dégoût que lui inspire cette société. En même temps, il note que nous ne sommes peut-être pas beaucoup mieux.

Le choix de Tom Dewispelaere n’est pas fortuit : s’il monte cette pièce, c’est en raison de la normalisation inquiétante d’un usage sémantique et idéologique qui s’inscrit en droite ligne dans l’héritage de l’extrémisme de droite des années 30 et 40 du siècle passé. De nombreux propos que nous pensions relégués aux marges de notre culture politique sont à nouveau au centre du débat sociétal.

Avec Avant la retraite, Thomas Bernhard nous offre plus qu’une leçon d’histoire ; il nous invite à poursuivre la réflexion sur la façon dont les ombres du passé continuent à nous hanter dans le présent. Jusqu’où les êtres humains vont-ils dans leur quête de repères ?